27 février 2015

Un Roumain sur la promenade des Anglais



Panaït Istrati




Nous avons déjà évoqué Panaït Istrati exerçant un de ses multiples métiers, photographe des rues, au milieu des années vingt à Nice.  http://plusoumoinstrente.blogspot.fr/search/label/Panaït%20Istrati
Un article de Jean Desthieux, paru dans Notre temps en 1933, nous en dit davantage après quil eut  rencontré “le célèbre conteur” de retour à Nice pour se soigner de la tuberculose qui lemporta deux ans plus tard :
« […] — Il est inimaginable que l’on traque ainsi les photographes ambulants. On les traque, en effet, parce que messieurs les commerçants photographes patentés de Nice, élégamment syndiqués, n’entendent pas que des concurrents puissent circuler en liberté autour de la clientèle sans être assujettis aux taxes qui leur sont imposés à eux-mêmes…
Ce n’est pas juste, dit avec raison Panaït Istrati. 
Parce que dans une ville qui, comme Nice, fait un considérable effort de publicité pour attirer à soi toujours plus de visiteurs, et cela à gros frais, on devrait comprendre que les photographes de la promenade des Anglais constituent des agents de propagande d’autant plus précieux qu’ils ne coûtent rien au budget municipal.
Songez donc ! Trente photographes qui prennent une douzaine de clichés par jour ! ces photographies, tirées chacune à une douzaine d’exemplaires ! 4320 images qui s’en vont, chaque jour à travers le monde, et qui disent partout :
— Tiens ! les Untels sont à Nice ! les veinards ! Voyez comme il y a du soleil, à Nice, et comme on y est légèrement vêtu, pendant qu’ici nous grelottons de froid sous nos houppelandes… Et ces palmiers ! Voyez ces palmiers ! Ah ! quand donc irons-nous à Nice nous aussi ?
C’est parce qu’un jour ils ont reçu une carte postale de Nice, ainsi datée, authentifiées par la présence d’un visage d’un visage ou d’une signature amis, que tant et tant de citoyens d’Amérique ou d’Europe éprouvent la nostalgie du pays niçois… Le syndicat d’initiative de Nice, ajoute Panaït Istrait, devrait subventionner, encourager ces photographes bienfaisants plutôt que de les laisser traquer comme des prostituées par la police… […] »


Paru dans Le Vagabond du monde (éditions Plein Chant, 1991)



24 février 2015

Débarquement à Odessa






« En mars 1928, Panaït Istrati et sa compagne, Marie-Louise Baud-Bovy dite Bilili, débarquent dans le port d’Odessa en République socialiste soviétique d’Ukraine. Ils arrivent ensuite en avril à Kiev où le réalisateur Alexandre Dovjenko les accompagne visiter les studios de cinéma. Nikos Kazantzaki les rejoint en mai à Kiev.

Consulter le n°11 des Cahiers Panaït Istrati 16 mois en URSS préfacé par Michel Ragon pour en savoir plus sur le voyage en URSS de Panaït Istrati, Bilili, Nikos Kazantzaki et Eléni Samios ainsi que Vers l'autre flamme de Panaït Istrati (Folio) et La véritable tragédie de Panaït Istrati d'Eleni Samios-Kazantzaki (Editions Lignes). »
Les amis de Panaït Istrati, amisdepanaitistrati@orange.fr - http://www.panait-istrati.com


Panaït Istrati, en écrivant Vers l’autre flamme à son retour d’URSS, fut vilipendé par les communistes pour avoir exprimé sa déception avec la franchise qui le caractérisait.




n°440

15 février 2015

Chats de race



Rudolf Kriesch, Simplicissimus, 7 avril 1935



« 17 avril 1935 : je continue de recevoir régulièrement le Magazine félin, bien que non-aryen… j’ai toujours soin de le renvoyer. Le nazisme y donne libre cours à ses élucubrations les plus proprement grotesques. Le “chat allemand” :/: les chats étrangers “aristocratiques”. En accord avec les idées de notre Führer, etc. […] Les associations regroupant les propriétaires de chats sont aujourd’hui fédérées au niveau du Reich ; seuls les aryens ont le droit d’en faire partie. Je n’aurai donc plus à payer mon Mark mensuel pour l’association locale. »
Victor Klemperer, Mes soldats de papier,
Journal 1933-1941


n°438

10 février 2015

L’envie d’Olécha



Ilya Ilf, Valentin Kataëv, Mikhaïl Boulgakov et Iouri Olécha, à l’enterrement de Maïakowski, le 17 avril 1930




« Mais de quoi le Guépéou pouvait-il l’incriminer ?
— Vous vous faites passer pour roi ? lui demanda le commissaire.
— Oui, roi des pieds-plats.
— Qu’est-ce cela veut dire ?
— Voyez-vous… J’ouvre les yeux d’une grande catégorie de gens. 
— À quel sujet leur ouvrez-vous les yeux ?
— Ils doivent comprendre quel est leur destin.
— Vous dites : une grande catégorie de gens. Qui rangez-vous dans cette catégorie ?
— Tous ceux que vous appelez des ratés. Ceux qui portent en eux des âmes démoralisées. Si vous le permettez, je vais vous exliquer la chose plus en détail. 
— Je vous en serai reconnaissant. 
— Toute une série de sentiments humains semblent devoir être supprimés… 
— Par exemple, quels sentiments ?
— … La pitié, la tendresse, l’orgueil, la jalousie, l’amour, en un mot tous les sentimenst dont fut pétrie l’âme de l’homme durant l’ère qui s’achève. L’ère du socialisme créera brusquement, à la place des sentiments anciens, une nouvelle série d’états d’âme. 
— Vraiment ?
— Je vois que vous me comprenez. Le persécuté se mue en communiste. Le communiste, dès que le démon de la jalousie le piquera, sera brimé également. L’aconit de la pitié, le crocodile de la vanité, l’aspic de la jalousie : cette flore et cette faune doivent être chassées du cœur de l’homme nouveau… »


Iouri Olécha, L’Envie, 1927
traduit du russe par Henri Mongault et Louise Desormonts (éditions Sillage) 


http://80grammes.blogspot.fr/2015/02/iouri-olecha.html?spref=fb


n°437