30 avril 2012

Carego, o desenhista


Autoportrait de Paulo da Fonseca Rego (Carego), vers 1930


Paulo da Fonseca Rego est né à Recife (Brésil) le 26 avril 1897. En 1915 il rejoint son père Simão, courtier en agrumes, à Lisbonne, pour y étudier le piano avec Guiomar de Lancastre Wachtel et y poursuivre des études à l’école des Beaux-Arts, où il rencontre David Sanho, condisciple avec lequel il s’intéresse au futurisme et au cubisme à travers les figures de Guilherme de Santa Rita (1889-1918) et d’Amadeo de Souza Cardoso (1887-1918), un ami de Modigliani fréquenté à Paris. Comme Sanho, sans abandonner la peinture, il se tourna vers le dessin humoristique dans la veine américaine, sous le pseudonyme de Carego, à l’instar de Cristiano Cruz ou d’Emmérico Nunes. 
Malgré sa fréquentation assidue du café Brasileira où il croise Fernando Pessoa et ses amis, il ne publiera pas dans Orpheu, la revue emblématique de l’avant-garde lisboète.
Il meurt prématurément de la malaria en 1933, de retour d’un voyage en Angola. 

Portrait de Paulo da Fonseca Rego,
attribué à David Sanho, 1927

27 avril 2012

Poste restante


[…] Je vous aime beaucoup — vraiment beaucoup —, Ophélia. J’apprécie beaucoup — énormément — votre nature et votre caractère. Si je me marie, ce ne sera qu’avec vous. Reste à savoir si le mariage, le foyer (qu’on lui donne ce nom ou un autre) sont choses qui me conviennent, à moi qui consacre ma vie à la pensée. J’en doute. Pour le moment, et très vite, je veux organiser cette vie de pensée et de travail, à moi. Si je n’y parviens pas, il est clair que je ne penserai jamais même penser à me marier. Si j’y parviens et m’aperçois que le mariage serait un obstacle, je ne me marierai certainement pas. Mais il n’en sera sans doute pas ainsi. L’avenir — l’avenir proche — le dira.
Voilà, et par hasard c’est la vérité.
Au revoir, petite Ophélia. Dormez et mangez, et ne perdez pas de poids.

Votre dévoué
Fernando

C’est avec cette lettre du 29 septembre 1929 que l’affaire entre Fernando Pessoa et Ophélia Queiroz en resta là, après dix ans de palinodies. À croire qu’Álvaro de Campos n’avait pas tout à fait tort sur le compte de son ami Fernando.

Fernando Pessoa par Paulo da Fonseca Rego, 1927 

Sept lettres de Pessoa à Ophélia ont été publiées dans Une malle pleine de gens d’Antonio Tabucchi, et traduites par Simone Biberfeld.

25 avril 2012

Petite Ophélia


Ophélia Queiroz (?), dessin de Paulo da Fonseca Rego, 1927

Le 26 septembre 1929, au lendemain de l’intervention insolente d’Álvaro de Campos, Fernando Pessoa, qui semble tout en ignorer, écrivit à Ophélia :

Petite Ophelia,
Je ne sais si vous m’aimez, mais c’est précisément pour cette raison que je vous écris.
Comme vous m’avez dit que demain vous ne vouliez pas me voir jusqu’au moment de nous retrouver à l’arrêt du tram, c’est-à-dire entre cinq heures et quart et cinq heures et demie, je me rendrai donc à cet endroit. Toutefois, dans la mesure où il se trouve que l’Ingénieur Álvaro de Campos doit m’accompagner pendant une grande partie de la journée, je ne sais s’il sera possible d’éviter la présence (par ailleurs agréable) de ce Monsieur au cours du trajet vers certaines fenêtres dont la couleur échappe à présent à mon souvenir.
Au demeurant, ce vieil ami dont je viens de parler a quelque chose à vous dire. Il se refuse à me dévoiler quoi que ce soit à ce propos, mais j’espère et je crois qu’en votre présence il lui sera possible de me dire, ou de vous dire, ou de nous dire de quoi il s’agit.
Jusque-là je resterai silencieux, attentif et confiant.
À demain, douce petite bouche.

23 avril 2012

Faux ami


« […] Campos nous surprend et nous désoriente parce que, entre tous les hétéronymes, il fut celui qui noua le plus solidement son existence fictive à l’existence réelle de son auteur, au point de s’y superposer parfois, dans un réseau serré de renvois, de rapports, de substitutions, d’échanges de rôles. Ainsi avons-nous appris récemment, grâce à la correspondance privée de Pessoa, que Campos avait eu l’aplomb de s’immiscer dans la relation entre Fernando et Ophélia Queiroz : et que s’il ne fut pas la cause de la rupture de leurs fiançailles, il en fut du moins l’instrument : après une série de “troubles”, c’est lui qui se chargea d’écrire à Ophelia pour la convaincre, sur un ton badin, de ne plus penser à Fernando. […] Ophelia Queiroz ; sensible et intelligente, avait d’ailleurs perçu d’emblée en Campos une présence ennemie et elle lui avait ouvertement manifesté son antipathie : “Quand tu m’écris, fais en sorte que ton ami Alvaro Campos ne soit pas à tes côtés, compris ? Écoute, envoie-le en Inde…” » rapporte Antonio Tabucchi dans Une malle pleine de gens.

Fernando Pessoa et (probablement) Álvaro de Campos, par D. Sanho, 1931

En effet, le 25 septembre 1929, Álvaro de Campos écrivait à Ophélia : « Mademoiselle, 
Un abject, un misérable individu du nom de Fernando Pessoa, un ami très cher, m’a chargé  — considérant que son état mental lui interdisait de communiquer quoi que ce soit, même à un petit pois sec (bel exemple d’obéissance et de discipline) — de vous communiquer qu’il vous est défendu de :
1/ perdre du poids,
2/ manger peu,
3/ ne pas dormir,
4/ avoir de la fièvre,
5/ penser à l’individu en question. 
Pour ma part, et parce que je suis un ami intime et sincère du voyou dont je transmets (à regret) la communication, je vous conseille de prendre l’image mentale que vous avez pu vous faire de l’individu dont le message salit ce papier d’une relative blancheur, et de jeter cette image mentale à la poubelle, puisqu’il est matériellement impossible d’en faire autant à cet être d’apprence humaine, Destin qui lui conviendrait, en bonne justice, qu’il y avait une justice au monde. »


p. s. (2 mai 2012) : Au moment d’émettre une hypothèse sur l’identité du « double » de Pessoa représenté par David Sanho, je n’avais pas encore lu la lettre de Pessoa à son ami Adolfo Casais Monteiro publiée par Tabucchi, où il décrit physiquement ses hétéronymes.
« Álvaro Campos est grand (1,75 m, soit deux centimètres de plus que moi), maigre, et a tendance à se tenir un peu voûté. Aucun ne porte la barbe — Caeiro, pour sa part a les cheveux d’un blond pâce et les yeux bleus ; Reis a les cheveux d’un brun terne et mat ; Campos a la peau plutôt claire, et un type rappelant vaguement celui du Juif portugais*, mais les cheveux plats et séparés habituellement par une raie sur le côté ; monocle… »
* Comme Pessoa lui-même. (N. d. T. : Françoise Laye)

Mis à part le monocle qu’il ne portait peut-être pas dans toutes les circonstances, pas « habituellement » (ou que Sanho a oublié, volontairement ou non), tout coïncide, et comme aucune autre description ne correspond aussi fidèlement, l’identification est maintenant certaine (cependant je laisse le « probablement » dorigine dans la légende du dessin).  



11 avril 2012

Jeu de jambes


 Miguel Covarrubias


Dans sa biographie de Ralph Barton, The Last Dandy, Bruce Kellner évoque son jeune confrère mexicain à propos de sa rivalité avec John Held, Jr. : « The only genuine competition Barton and Held ever had came in the mid-twenties when the Mexican caricaturist Miguel Covarrubias burst into immediate popularity; his formal training gave his rosy figures a substantial quality entirely his own. » 

John Held, Jr.

Shelley Armitage, dans sa biographie de Held, Illustrator of The Jazz Age, les associe aussi : « As a humorist, Held addressed the major topics of the 1920s. Together with two other Jazz Age catoonists, Ralph Barton and Miguel Covarrubias, Held covered the range of pertinent Jazz Age topics: entertainment, the collège phenomenon, life in the great metropolis, and the nuances of social circumstances, with an occasional moral or religious accent. » 

9 avril 2012

Harold and Fayard





Les tout jeunes Harold et Fayard Nicholas, 11 et 18 ans, font leurs premiers pas au cinéma avec l’Eubie Blake & Band dans un court-métrage produit par la Warner en 1932, Pie Pie Blackbird. La même année ils débutèrent au Cotton Club dont ils furent un des fleurons les plus fameux.


7 avril 2012

Bill "Bojangles" Robinson


dessin d’Al Hirschfeld (1903-2003), 1939


Bill “Bojangles” Robinson (1878 -1949) apporta aux claquettes un humour espiègle et des figures inédites qui firent florès. Il devint une star au-delà de la communauté noire, des cabarets de Harlem aux plus grandes salles de Broadway.



Let’s Scuffle, 1942


Stormy Weather (1943), produit par la 20th Century Fox, où tous les acteurs sont noirs, avec Lena Horne, Cab Calloway, Fats Waller et les Nicholas Brothers rivalisant en numéros virtuoses, paraît être le récit romancé de sa vie racontée à la première personne.




Fred Astaire lui avait rendu hommage en 1936 dans Swing Time. 
(Pour des questions de droits, il est nécessaire de cliquer sur le lien ci-dessous.)
http://www.youtube.com/watch?v=bKAeB9kGOnY&feature=related

2 avril 2012

L’amplitude du yoyo


« […] Je vis aujourd’hui un grand moment de triomphe. Le charme est rompu ; tout ce que j’ai pu accumuler d’émerveillement, tout ce que j’ai pu exalter dans mes accès de ravissement — et qui m’était jusque-là étranger et hostile — me consacre enfin et m’accueille. Merci ! »


Julian Tuwin par Witkatcy

Le poète Julian Tuwim à qui Bruno Schulz écrit le 26 janvier 1934, membre éminent du groupe Skamander, fut enthousiasmé par Les Boutiques de cannelle.



Bruno Schulz par Zenon Waśniewski

Quelques mois plus tard, le 7 novembre 1934, Schulz s’ouvrait à son vieux camarade Zenon Waśniewski.
« […] Cela fait un mois que je n’ai ni écrit ni peint, et j’ai parfois l’impression que je n’écrirai plus rien de valable. Il serait fort regrettable pour moi de gâcher le succès provoqué par Les Boutiques de cannelle, or je vais tout gâcher si, dans le courant de l’année, je n’arrive pas à publier au moins quelque chose d’une qualité similaire. Je pourrais peut-être y parvenir si j’obtenais le congé demandé, mais pour l’instant c’est le silence total ; ma demande a probablemnt été engloutie dans les rouages souterrains du ministère, et je doute fort qu’elle puisse un jour refaire surface. […] »


Bruno Schulz par Zenon Waśniewski

Zenon Waśniewski fut le consisciple de Schulz à l’école d’architecture de Lvov. Il était peintre et graveur, et cofonda la revue Kamena. Déporté en 1942, il mourut à Bergen-Belsen à la veille de la Libération.