23 mars 2012

Langue interdite


George Grosz, Simplicissimus, mai 1927 

« Pourquoi j’attendais autant de Grosz ? Que signifiait-il pour moi ? Depuis Francfort, donc déjà six ans, depuis que j’avais vu des livres de lui à la bibliothèque pour les jeunes, j’admirais ses dessins, je les transportais partout avec moi dans ma tête et six années de jeunesse sont un période déjà longue. Ses œuvres reflétaient mon état d’esprit […]. Je n’ai jamais imité George Grosz, le dessin m’a toujours été interdit. Certes, je cherchais et retrouvais ses personnages dans la réalité, mais je me sentais toujours comme un étranger face à une autre moyen de communication. Son art était pour moi inaccessible : il parlait une autre langue que je comprenais sans doute, mais qu’il m’était malgré tout interdit d’apprendre pour en faire un usage personnel. Cela signifiait qu’il ne serait jamais pour moi un modèle ; il resta certes l’objet de ma plus grande admiration, mais il ne fut jamais un modèle. »

Elias Canetti, Histoire d’une vie — Le Flambeau dans l’oreille  



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