28 novembre 2011

Au bon accueil





L’un de ces deux hommes se nomme Liebschütz, Henri, le frère de Georges, mon arrière-grand-père maternel. Ils vont d’un bon pas. La prospérité semble les avoir gâtés. Ils sont habillés très chic. Leur allure est celle de tout nouveaux ministres se rendant à l’Élysée pour leur premier conseil. Mais nous ne sommes pas à Paris, mais plutôt à Chalon-sur-Saône, la ville natale de Nicéphore Niépce, où le père d’Henri, Emmanuel, fils de modestes marchands forains alsaciens très attachés à la France, est venu en 1870 combattre avec les troupes de Garibaldi. Il y rencontra Céline Jacob. Ils tiendront une boutique de passementerie, puis de chaussures (« Au bon accueil »). Henri est représentant de commerce.
Le photographe les attend sur le trottoir, Liebschütz le regarde fièrement. Son ami (collègue ou associé) est moins concerné. Il ne faut pas les manquer, il faut faire vite, il est exclu de leur demander de s’arrêter pour poser. Derrière eux, coiffé d’une casquette, un homme pourrait bien les photographier aussi (à leur insu ?), comme chargé du contre-champ, et un autre se retourne, cherchant à savoir qui il pouvait bien avoir croisé, ou intrigué par le manège du photographe — que ce soit un professionnel ou un familier d’un des deux hommes (d’Henri probablement).



Henri Liebschütz est mort à Auschwitz le 12 mars 1944, sa femme Émilie aussi, à l’âge de soixante-dix ans.


26 novembre 2011

Sourire japonais


En 1935, Setsuko Hara débute au cinéma dans Tamerau nakare wakodo yo, de Tetsu Taguchi. Elle a quinze ans. Le cinéma parlant a gagné le Japon.
Elle obtient son premier grand rôle dans dans Atarashiki Tsuchi, La Fille du samourai, en 1937 (production germano-japonaise dirigée par Arnold Franck et Mansaku Itami).



Setsuko Hara reste liée à jamais au cinéma d’Ozu (l’inoubliable Noriko de Voyage à Tokyo, 1953) avec qui elle tourna six films, de Printemps tardif en 1949 à L’Automne de la famille Kohayagawa (ou Automne précoce) en 1961.
Mais comment ne pas se souvenir aussi de Taeko (Nastassia) dans L’Idiot de Kurosawa. Elle abandonna le cinéma et se retira radicalement de la vie publique après la mort d’Ozu, en 1963. Cette retraite prématurée la fait comparer à Garbo par Donald Richie*, à ceci près que son sourire était bien moins rare, un sourire radieux et mélancolique.
Setsuko Hara est toujours vivante.


*Donald Richie, Ozu, éditions lettre au blanc, Genève 1980













24 novembre 2011

Gosses de Tokyo


Mars 1932, Charlie Chaplin se rend au Japon où il ne tourne pas de film de samourai.
Le 3 juin 1932, le vingt-quatrième film d’Ozu, Gosses de Tokyo (ou Je suis né, mais… ou Et pourtant nous sommes nés) sort dans les salles.


(Vous pouvez aussi couper le son.)

Au Japon, la popularité des benshi, qui commentaient les films muets, fit que le parlant tarda à s’imposer.

Un an plus tard, Chaplin commence Les Temps modernes. Entre temps, il a rencontré Paulette Goddard.

20 novembre 2011

Temps perdus

Je m’aperçois qu’il y a un bon moment que je ne suis pas revenu vers ces années trente, occupé par d’autres années. Et puis, vous savez bien, le temps qu’on perd au téléphone (e-mail, facebook & Co) !

2 novembre 2011

Drohobycz, le 2 novembre 1928


« Drohobycz, le 2 novembre 1928
Messieurs,
Je soussigné Bruno Schulz, déclare avoir occupé le poste de professeur de dessin temporaire au lycée d’État de Drohobycz, du 1er septembre 1924 jusqu’à la fin de l’année scolaire 1927-1928, avec une brève interruption entre le 15 mars et le 30 avril 1926, dans le but de préparer l’examen autorisant à exercer le métier de professeur de dessin dans les établissements d’enseignement secondaire — examen que j’ai passé avec succès le 27 avril 1926.
Par un décret du 4 juin 1928 (n° III 8131/28) la direction de la circonscription de Lwów a décidé de mettre fin à mon contrat d’enseignement à partir du 31 août de cette année, alléguant qu’après quatre ans d’enseignement je n’avais pas encore obtenu toutes les qualifications professionnelles requises.
Or le 18 octobre de cette année, à Varsovie, j’ai passé devant le jury officiel autorisant à exercer le métier de professeur dans les établissements d’enseignement secondaire (comme le prouve le télégramme ci-joint envoyé par le jury au proviseur du lycée d’État de Drohobycz). Je vous demande donc par la présente de bien vouloir procéder à ma nomination en qualité de professeur titulaire au lycée d’État de Drohobycz.
Ci-joint* : le télégramme du jury d’examen de Varsovie.
Bruno Schulz


* Nous attestons que M. Bruno Schulz (…) ayant passé les examens réglementaires (…) et effectué son stage d’enseignement au lycée d’État de Drohobycz, s’est présenté à l’examen d’État en vue de l’obtention d’un poste de professeur de dessin des écoles secondaires, examen pour lequel il a obtenu la mention “bien” (…) Varsovie, le 28 octobre 1928. »