« C’est à Vienne, avant sa chute, que j’ai possédé pour la dernière fois un foyer… Je m’y trouvais encore entouré par les livres provenant de la bibliothèque de mon père, et je leur devais de me sentir chez moi. […] Mais lorsqu’il me fallut à tout prix abandonner ma bibliothèque pour m’enfuir de Vienne, au milieu des hurlements des démons qui déversaient sur moi leur bave au fond de chaque ruelle, lorsque, évitant la racaille enragée, je me hâtai à travers les allées obscures du Parc, en direction de la gare de l’Ouest, et que je passai devant les doubles fenêtres au reflet morne de la pièce qui m’avait servi de bureau, de cabinet de lecture et de chambre à coucher, je compris le conseil des Anges à Loth, conseil qui vaut aussi pour tout exilé : ne te retourne pas, fût-ce une dernière fois, pour contempler Sodome et Gomorrhe. »
Walter Mehring, La bibliothèque perdue
n°517