1925 |
Le peintre sortit de dessous le lit un tas de toiles encore sans cadres recouvertes d’une telle poussière que, lorsqu’il souffla sur la première, K… en resta un bon moment dans un nuage, la respiration coupée.
— C’est une lande, dit-il à K… en lui tendant le tableau.
La toile représentait deux grêles arbres posés sur une herbe sombre à une grande distance l’un de l’autre. Au fond, le soleil se couchait dans un grand luxe de couleurs.
— Bien ! dit K…, j’achète ça.
Il avait parlé trop sèchement, aussi fut-il content quand il vit que le peintre, loin de se formaliser, lui présentait un second tableau.
— Voilà, dit-il, le pendant du premier.
C’était peut-être bien conçu comme le pendant du premier, mais on ne remarquait pas la moindre différence ; il y avait encore des arbres, l’herbe et le coucher de soleil. Mais cette similitude importait peu à K…
— Ce sont de beaux paysages, dit-il, je vous les achète tous deux et je les prendrai dans mon bureau.
— Le motif a l’air de vous plaire ! dit le peintre en prenant un troisième tableau. Cela tombe bien, car j’ai encore ici une toile du même genre.
La toile n’était pas du même genre, c’était exactement la même. Titorelli exploitait parfaitement cette occasion de vendre ses vieux tableaux.
— Je prends celle-là aussi dit K… Quel est le prix des trois ?
— Nous en parlerons une autre fois, dit le peintre.
Franz Kafka, Le Procès (traduit de l’allemand par Alexandre Vialatte)
Franz Kafka |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire