dessin de d’Amy Drevenstedt |
En 1930, Charles Ezekiel Reznikoff, né à Brooklyn en 1894 de parents juifs fraîchement émigrés de Russie, publie son premier livre édité par Charles Boni Jr.
Il vient d’être traduit par les éditions genevoises Héros-Limite.
« Ezekiel passait le plus clair de son temps à la bibliothèque de la 42e Rue. Par grand soleil, sous la pluie, dans le ventre du vent tel un nouveau Jonas, il avait arpenté les rues ; à la maison, il avait esquivé les coups d’œil de son père. À présent, il chassait les ambitions importunes : il agirait à sa guise. Pour commencer, il se mettrait à son compte. Le travail pour autrui, c’est terminé — pour autant qu’il travaille.
Il connaissait un local dans un sous-sol de Greenwich Village. La rue ne longeait qu’un unique pâté de maisons, s’étirant en demi-cercle d’un unique pâté de maisons, s’étirant en demi-cercle d’une ruelle tranquille à une autre. D’autant mieux, pensa-t-il, pour la librairie qu’il avait en vue. L’endroit était vide depuis des années, aussi longtmeps qu’il s’en souvienne.
Il était conscient de ses habits chiffonnés, avachis, luisants des innombrables heures passées à s’instruire sur les chaises de la bibliothèque. Il sentait les trous béer dans ses deux semelles, mais se raisonnait, sachant que seul le trottoir connaissant son secret. Qu’as-tu donc à perdre ? s’encourageait-il sans cesse. »
Charles Reznikoff, Sur les rives de Manhattan
(traduction Eva Antonnikov)n°407