Soma Morgenstern par Bil Spira, Café le Tournon, Paris 1939 |
Dans le cimetière de la petite ville d’Angers, le 3 juillet 1940, on a enterré le cadavre d’un jeune homme que personne ne connaissait dans la région. Il avait été l’un des innombrables réfugiés que l’on pouvait voir en ce temps-là dans les rues, sur les routes, dans les villages et les villes de France, femmes de la guerre éclair, projetés çà et là par la maladie, l’épuisement et la faim. Des millions d’êtres humains fuyaient vers le sud. Le jeune homme avait passé la nuit en plein air à proximité de la petite ville et n’avait été retrouvé mort que le lendemain vers midi, à l’endroit où il s’était couché pour dormir.
Ainsi débute Errance en France, le roman que Soma Morgenstern écrivit à Marseille et à Casablanca entre 1940 et 1941 (et le mettre définitivement en forme à New York en 1952), sur la route de son exil qui se poursuivait depuis l’Anschluss. Curieusement, le narrateur est chrétien et se nomme Petrykowsky, Ukrainien ou Polonais selon les circonstances historiques qui sont au cœur de l’œuvre de Morgenstern, et bien sûr Viennois ; un de ses amis se nomme Morgenroth, comme si Joseph Roth accompagnait Morgenstern par-delà la mort.
n°488