28 mars 2015

Le Livre des adieux


13 avril 1930
« Pensez donc : tout a déjà existé, toutes les pensées qui semblent aujourd’hui une découverte ont déjà été dites par Dostoïevski dans une proposition subordonnée. » 








8 mai 1930
« Un jour en lisant Anna Karénine, je m’étais fait la remarque que Stiva Oblonsky avait trente et un ans et m’étais dit que je n’en avais que quinze. Ah, ah ! m’étais-je exclamé en mon for intérieur, j’ai toute la vie devant moi, une très longue vie, plus exactement, il me reste beaucoup de temps avant de prendre mon élan vers la vie si on qualifie Stiva Oblonsky de jeune homme alors qu’il a le double de mon âge.
À présent, j’ai le même âge que Stiva Oblonsky.
Cette chose enveloppée de brouillards et qui à l’époque me semblait incroyable est devenue réalité : aujourd’hui, le petit garçon qui ressemblait à sa maman et qui avait beasoin d’être suralimenté est plus vieux que tous les héroas de la littérature.
J’ai passé l’âge des héros de la grande littérature. Après cela, est-ce la peine de lire ? Puis-je prendre des leçons auprès de gens plus jeunes que moi, puis-je imiter des héros qui n’ont pas encore mon âge ? Lire était intéressant dans la mesure où les livres me parlaient de l’avenir de façon détournée. C’était dans ma prime jeunesse. Ce que je lisais alors était en avant de moi. À présent, je lis en regardant derrière moi. À cette époque, la lecture me transportait dans le futur et j’en retirais une impression de légèreté. Aujourd’hui, lorsque je lis, je glisse dans le passé et cela est douloureux et pénible. » 






n°448

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