« Qu’on ait pu croire (…) au mensonge qui déguisa ces “années folles” en âge d’or, c’est une énigme que ne sauraient excuser ni l’ignorance ni le manque de vision historique. Ce mythe inconsistant se nourrit bien plutôt d’un mélange d’envie, d’admiration pour les productions d’une génération de grands talents, mais aussi nostalgie facile. On assiste à la millième représentation de L’Opéra de quat’sous, on est épaté par les prix atteints dans les ventes par les tableaux des Beckmann, Schwitters et Schad, on s’enthousiasme pour les copies de meubles du Bauhaus et l’on se repaît de films comme Cabaret, montrant un Berlin hystérique, pervers polymorphe, “canaille”. Un peu de décadence, un zeste de risque et une bonne dose d’avant-garde donnent aux habitants de l’État providence d’agréables frissons dans le dos.
Cette floraison d’une culture extrêmement minoritaire fait oublier le marécage où elle poussait. Car le monde intellectuel et artistique des années vingt n’était nullement immunisé, lui non plus, contre les états d’excitation de la guerre civile. »
H. M. Enzensberger
George Grosz, Les piliers de la société, 1926 |
Si à première vue le choix de ce Grosz paraît approprié pour la couverture, dans son édition de poche, du livre de Hans Magnus Enzensberger paru en 2008 (2010 dans sa traduction française), il ne reflète pas le personnage de Kurt von Hammerstein-Equord, un militaire pourtant issu de l’aristocratie prussienne parvenu tout au sommet de la hiérarchie, car son intransigeance face au nazisme résiste à cette caricature implacable, laquelle s’avère donc être un contresens, dans cet emploi, Hammerstein faisant montre d’une singularité qui, par son extrême rareté, confirme en creux le point de vue de George Grosz.
Une autre histoire de couverture, déjà avec Grosz : http://plusoumoinstrente.blogspot.fr/2011/07/retirons-la-couverure.html.
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