Photo Robert Capa (détail) |
« De Mandalay, en Haute-Birmanie, on peut aller par train à Maymyo, la principale station de montagne de la province, au bord du palteau de Chan. C’est une drôel d’expérience. On est, au départ, dans l’atmosphère caractéristique d’une ville orientale — soleil ardent, palmiers poussiéreux, odeurs de poisson, d’épices et d’ail, fruits mous et humides des tropiques, pullulement d’êtres humains aux visages basanés — et l’on est tellement accoutumé à cette atmosphère qu’on l’emporte avec soi tout entière, pour ainsi dire, dans le compartiment de dalay quand le train s’arrête à Maymyo, à quatre mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Or voici qu’en descendant du train, on entre de plain-pied dans un univers différent. Subitement l’on respire un air frais et pur qui pourrait être celui de l’Angleterre, et partout autour de soi on voit de l’herbe verte, des fougères, des sapins, et des montagnardes aux joues roses qui vendent des paniers de fraise.
Mon retour à Barcelone, après trois mois et demi de front, me rappella cela. Ce fut le même brusque et saisissant changement d’atmosphère. Dans le train, durant tout le trajet jusqu’à Barcelone, l’atmosphère du front persista ; faite de saleté, de vacarme, d’inconfort, de vêtements en loques, de privations, de camaraderie et d’égalité. […] »
George Orwell, Hommage à la Catalogne (traduction Yvonne Davet)
À la fin de l’année 1937, Orwell, blessé quelques mois plus tôt au combat, écrit Hommage à la Catalogne, où il décrit sa vie de combattant sur le front d’Aragon dans les milices du P.O.U.M., et y témoigne du coup de force des communistes à Barcelone en mai destiné à éradiquer tous leurs concurrents à gauche, en les accusant d’être à la solde des fascistes, quand à Moscou, en juillet, débutaient les procès de la Grande terreur où 800 000 personnes furent condamnées, dont 400 000 à la peine de mort.
n°411
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