« À l’époque où Vienne était encore la ville cosmopolite régie par la Maison des Habsbourg et le Roi de la Valse, le Café Viennois tenait aussi une place importante dans l’existence. […]
Au Café Herrenhof, autrefois, le prince Rodolphe de Habsbourg, héritier du trône, retrouvait incognito des journalistes à tendance libérale, et au Central, avant la Première Guerre mondiale, un certain M. Bronstein jouait sa partie d’échecs quotidienne, jusqu’au jour où il pénétra dans l’histoire du monde sous le nom de Léon Trotski. […]
Poète allemand vivant à Paris, Mehring était venu à Vienne en 1934 dans l’intention d’y passer quelques jours, et il y était resté en fait quelques années. Au début, il n’avait pas daigné répondre à nos questions inspirées pourtant par la courtoisie, concernant ses œuvres. Et finalement, nous fûmes officiellement présentés l’un à l’autre au cours d’un réception mondaine : il me regarda en riant.
— Ah ! c’est vous, le “Correspondant autrichien” ?…
Il avait eu l’intention d’esquiver des messieurs officiels, mais pas une jeune femme tout-ce-qu’il-y-avait-de-plus-inofficielle. Aujourd’hui encore, il lui arrive de mentionner l’immense chapeau garni de rubans que je portais alors.
— Cette fois, il est plus que temps que tu te sauves ! lui lançai-je dans le café.
Il était en tête de la liste d’extradition dressée par Goebbels, ce qui d’ailleurs l’emplissait de fierté. »
Hertha Pauli, La déchirure du temps
Hertha Pauli |
n° 520
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