George Grosz, Walter Mehring, 1925 |
« La chambre habitée jadis par Rilke à l’hôtel Foyot est maintenant occupée par le romancier autrichien Joseph Roth, dont le style musical rappelle les harmonies de Rilke autant que la délicatesse de son trait de plume et son penchant à la rêverie mystique. Il porte aussi une moustache de veau marin, mais son visage revêt le masque d’un Silène depuis que son épouse, créature d’une inquiétante suavité, sombra dans un accès de dementia praocox. Tout le jour, il écrit dans un bistrot en face du Sénat et, au soleil couchant, un groupe d’exilés vient se joindre à lui, vieux révolutionnaires impénitents, romanciers dont les œuvres furent brûlées en autodafé en 1935, artistes éloignés de la scène, anciens ministres ou anciens professeurs, légitimistes partisans des Habsbourg, prêtres et militaires sans églises et sans commandements, engagés volontaires en chemin pour l’Espagne, arrogants ou amers ; et ce sont aussi les femmes, les amies dont la fidélité faisait oublier toutes les misères, des intrigants, des mendiants de visas : tous venaient confier leurs préoccupations au romancier pour lequel toute vie terrestre n’était qu’un exil temporaire de l’éternité. Il les écoutait tous attentivement du fond de sa lucide ébriété… la nuit…
“Le jour. La nuit. Le jour…” Que diable, je veux savoir ce qui suit !
Mais où est ma bibliothèque ? C’est le golem qui s’en est emparé. »
Walter Mehring, La bibliothèque perdue
Walter Mehring, La bibliothèque perdue
n°518
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