La pyramide de Noël,
la devancière de l’arbre de Noël
« La plus ancienne façon de disposer les bougies de Noël provient de coutumes ecclésiales : de l’autel. C’était la pyramide de lumières ; un petit bâti de bois stable, à la verticale, où les bougies s’étageaient aux diverses couches. Certes, il manquait à ces pyramides, aussi gracieuses fussent-elles, l’odeur de la résine et des aiguilles de pin.
La victoire de l’arbre de Noël se décida lentement. De quelle manière ? c’est ce que montrent nos images empruntées à de vieux livre d’enfants.
Finalement, ce fut un petit incident qui à la longue entraîna le remplacement de la pyramide par l’arbre de Noël. L’affaire se produisit en 1827 au marché de Noël de Berlin. À cette époque-là, sapins et épicéas n’étaient mis en vente dans les rues que fort isolément, le pyramides en revanche cinq fois plus que les arbres de Noël. En effet, les ouvriers qui n’avaient pas trouvé d’emploi durant l’hiver de l’année en question avaient eu l’idée de bricoler des pyramides de Noël, et ils les vendaient à tous les coins de rue avant la fête. Une telle surabondance fut alors créée que plus de mille pyramides de toutes dimensions restèrent invendues, bien qu’on les eût offertes pour un groschen. Quand disparut toute perspective de vente, les gens traînèrent leur propre marchandise jusqu’à Königsbrücke, et ils la balancèrent la tête la première dans la Spree, où les pauvres vinrent ensuite la chercher, le matin de Noël, pour s’en servir de combustible. De cette « crise », le marché des pyramides ne s’en est jamais remis. »
Walter Benjamin (éd. Rivages, traduit par Philippe Ivernel)