3 décembre 2011

Autodafé





Dans La Logique des bûchers*, consacré à l’Inquisition, Nathan Wachtel écrit dans sa préface : « L’autodafé n’a pas seulement pour but de répandre la crainte par le spectacle grandiloquent du châtiment ; c’est en même temps un rite d’élimination du mal, d’éradication de l’infection et de l’infamie juives, de purge collective autant physique que spirituelle (…)** ». Dans sa conclusion (De la banalité du mal), tout en préservant comme Hannah Arendt la distinction fondamentale de la « Solution finale » avec tout autre événement de l’histoire, il met en « parallèle, d’une part, la trajectoire du judaïsme ibérique du XVe au XVIIe siècle et, d’autre part, la destinée du judaïsme allemand (voire européen) à l’époque contemporaine*** ».

En 1935, Elias Canetti publie Auto-da-fé, son seul roman.
« Le voilà debout, plongé dans la contemplation de Rome. Il voit des membres qui se débattent. La puanteur de la chair brûlée emplit l’air. Comme les humains sont stupides ! Il oublie son ressentiment, un simple bond et ils seraient sauvés.
Soudain — il ne sait comment cela s’est produit — les hommes se changent en livres. Il pousse un cri déchirant et se rue dans la direction du feu sans prendre le temps de réfléchir. Il court, halète, se couvre d’injures, bondit dans les flammes, allonge la main et se trouve prisonnier de corps humains qui l’implorent. Son ancienne angoisse l’étreint, la voix de Dieu le délivre, il s’échappe et contemple ensuite du même endroit le même spectacle. À quatre reprise, il se laisse duper. La rapidité des événements augmente chaque fois. Il sait qu’il est baigné de sueur. Il aspire secrètement à l’instant de répit qui lui est accordé entre deux paroxysmes. À la quatrième trêve, le Jugement dernier le rattrape. Des charrois gigantesques, hauts comme des maisons, hauts comme des montagnes, hauts comme le ciel, arrivent des deux directions, de dix, de vingt, de toutes parts et s’approchent de l’autel dévorateur. La voix puissante et destructrice raille : “Maintenant, ce sont des livres !” Kien pousse un rugissement et s’éveille. »

* éditions du Seuil, 2009
** p. 28
*** p. 252

ps : Rendons la trouvaille de cet article dIrène Chevreuse dans L’Illustration au feuilleton de Raphaël Meltz, SUBURBS, autour du fort d’Aubervilliers, publié dans le Tigre n°012
ps 2 : La source venant sans doute de Lionel Richard : http://books.google.fr/books?id=BNE3DBprTMwC&pg=PA211&lpg=PA211&dq=%22irène+chevreuse%22&source=bl&ots=jjgp1KdgMd&sig=R61mOWhSQ0bEmnbLAu01peURhi8&hl=fr&sa=X&ei=x7csU9e9OIPP0AXX8YDwCw&ved=0CC0Q6AEwAA#v=onepage&q=%22irène%20chevreuse%22&f=false


Le nazisme et la culture, Lionel Richard

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